Les spectacles de curiosité, fenêtres ouvertes sur l’impensé du XIXe siècle

Organisateurs : Patrick Désile, Valérie Pozner

Les spectacles, en France, au XIXe siècle, sont répartis, juridiquement, en deux catégories : le théâtre et, si l’on peut dire, le non-théâtre : les spectacles de curiosité. Cette catégorie, définie négativement, est ouverte et disparate. On y trouve le diorama et le café-concert, le cirque et les figures de cire, les bals et les combats d’animaux… Du pictural et du musical, du mobile et de l’immobile, de l’élégant et du trivial. Et même (subrepticement) du théâtral.
Quels sont, alors, les caractères communs à tous ces spectacles ? Ne sont-ils pas des « spectacles populaires », comme on le dit volontiers ? Évidemment non, et la catégorie « spectacles populaires », de toute façon mal pensée, à demi fantasmatique, est un obstacle à l’intelligibilité.
Ce qui unit ces spectacles, ce sont d’abord des traits objectifs : ils sont soumis à un régime juridique et fiscal particulier, moins favorable que celui dont bénéficient les théâtres. Ils sont (relativement) illégitimes, en tout cas subalternes. Ils sont généralement le fait d’initiatives privées, portés par des entreprises aventureuses, précaires, souvent éphémères. Beaucoup, d’ailleurs, ne dépassent pas le stade du projet.
Mais si les spectacles de curiosité subissent des contraintes réglementaires et économiques, ils supportent peu de contraintes esthétiques : ils ne sont pas soumis à un canon ou tributaires d’une tradition. Ils sont au contraire, en général, le fruit de l’innovation, de l’invention. Et ils sont condamnés à plaire. Ils cristallisent ainsi, sous couvert de divertissement, des aspirations (ou des angoisses) diffuses, secrètes, laissent émerger des soucis obscurs qui intéressent des questions essentielles. Très sommairement : la relation au monde, à l’espace (le panorama), la fiabilité des sens, la vérité (la panorama, le diorama, la prestidigitation), la maîtrise des corps (la danse, le cirque), l’animalité, les limites de l’espèce (le cirque), la folie, l’anormalité (le café-concert), la mort (les figures de cire, la fantasmagorie), le temps (le premier cinéma)… D’une manière générale, ces spectacles visuels, sensoriels (mais qui suscitent, il faut y insister, une abondante production de textes) interrogent, intimement, le corps, et ils expérimentent.
Les spectacles de curiosité sont ainsi des fenêtres ouvertes sur l’impensé du XIXe siècle. Pourtant, sous-estimés, secrètement méprisés peut-être, ils demeurent largement méconnus. Sans doute, quelques bons ouvrages ont paru et des chercheurs travaillent, mais la recherche sur les spectacles de curiosité demeure pour l’essentiel une friche. Il faut sortir des approximations et des ressassements, dresser des inventaires, repérer les documents, collecter les vestiges, affiner les descriptions, approfondir les analyses.
Dans la continuité des précédentes sessions (Littérature et spectacles de curiosité ; Le Panorama : variations, transferts, rémanences ; Spectacles des corps ; Le Cinéma parmi les attractions ; Le Cirque et le Cinéma), et dans la perspective de la tenue d’un colloque international, le séminaire poursuivra cette année ses travaux en insistant sur la portée et sur la spécificité de l’histoire matérielle et esthétique des spectacles de curiosité.

Le mercredi de 17h à 19h (2018) puis de 16 h à 18 h (2019)
I.N.H.A.
Salle Fabri de Peiresc

Institut national d’histoire de l’art, 2, rue Vivienne, 75002 Paris

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