Sous les visages, Jeux de masques, transmigration et impersonnalisation dans le post-exotisme Sous-contrôle. Fictions et contre-fictions du contrôle social

Intervenant : Khalil Khalsi

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"Sous-contrôle. Fictions et contre-fictions du contrôle social ", séries de conférences virtuelles organisées par Loïc Bourdeau (Lafayette University) et Alexandre Gefen (CNRS-Thalim)

Résumé de la communication :
L’œuvre d’Antoine Volodine considère le lecteur comme un ennemi, à la fois interne et externe au texte (Volodine, 1998), un adversaire qu’elle essaie alors de tromper en multipliant les stratégies discursives et esthétiques. D’un livre à l’autre, cet univers « post-exotique » se construit comme un espace de transmigration pour les « surnarrateurs », tous morts ou emprisonnés dans un réel tombé sous la coupe d’un capitalisme absolu (Volodine, 2008), et donc du rationalisme comme achèvement des possibles et clôture sémantique (Morin, 2011). Face à cela, l’œuvre volodinienne ouvre « des voies secrètes de re-sémantisation du monde » (Samoyault, 2008) dont l’une des logiques est celle de l’inversion : la fin est une non-fin, la mort une non-mort et la vie une non-vie (Volodine, 2006). Mais au-delà du simple renversement des catégories binaires, la communauté post-exotique en investit l’écart pour y ouvrir un espace interstitiel à visée utopiste (Khalsi, 2017).
Nous proposons de regarder de près certains de ces mécanismes de trafic du réel à partir de l’analyse de scènes-clés du Port intérieur (Volodine, 2010 [1995]) et de Macau (2009), deux textes qui composent un dyptique. D’un côté, une scène de cauchemar où une foule de réfugiés, indifférenciée et animalisée, tente d’échapper à sa mort annoncée dans un port ; de l’autre, un personnage-surnarrateur, Breughel, ligoté aux pieds d’un vieillard chinois dont le visage semble être non pas le produit de l’âge mais un véhicule de passage à travers l’éternité. Nous proposons de voir comment, à partir du motif du visage et du masque, s’opère une logique d’inversion qui fait de l’apparence un lieu d’invisibilité, d’indifférenciation (Ruffel, 2007), de déshumanisation ; le visage, en tant que masque, n’est pas cette persona permettant à l’individu de se présenter au monde, mais plutôt un lieu de dépersonnalisation (Esposito, 2012), de désindividualisation (Le Breton, 2015). Or, c’est bien à partir de leur déshumanisation que les personnages post-exotiques revendiquent leur liberté, en transformant leur dépersonnalisation en impersonnalisation ; les masques, comme les noms, ne sont que des stations d’arrêt qu’emprunte le souffle utopique. Le renoncement positif à l’individualité leur permet d’échapper sans cesse à un « monde de traçabilité généralisée » (Rabaté, 2015) et de survire en déléguant leur être à l’impersonnel.

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