Le roman est continuellement présenté dans la critique comme héritier de l’épopée – dans la lignée de la célèbre définition du roman comme « moderne épopée bourgeoise », fournie par Hegel. Le roman-fleuve ne fait pas exception dans la stratégie de légitimation du roman par la revendication du référentiel épique, et se présente notamment comme héritier direct de Guerre et paix. Mais le cadre épique est à la fois revendiqué et inadéquat, dans la mesure où le référentiel guerrier et héroïque, la dimension fondatrice, la certitude d’un système de valeurs sont mis à mal : le roman-fleuve est l’héritier d’une épopée désormais impossible. Jacques Thibault ou Marc Rivière (dans L’Âme enchantée de Romain Rolland) sont des incarnations potentielles du héros épique, mais leur sacrifice inutile dénonce en retour une société dans laquelle cet héroïsme n’a plus de sens. En revanche, le roman-fleuve emprunte à l’épopée des structures : couple épique, mécanisme de répétition narratif et investissement éthique de l’énonciation.
La tentation de l’épique dans le roman-fleuve de Romain Rolland à Martin du Gard - Article - 2012
Aude Leblond, « La tentation de l’épique dans le roman-fleuve
», Études Françaises, 2012, pp. 1-26
Résumé