Un imaginaire de la trace hante l’œuvre de Quignard. Il travaille sur tout ce qui est déjà effacé : poètes obscurs, rois oubliés de l’Histoire, mais aussi scènes traumatiques de son enfance, reconquises par la psychanalyse. Cependant, la trace peut aussi devenir fragment, dans la mesure où les processus de redécouverte et de création sont indissociables. Certains fantômes sont authentiques, et certains forgés de toutes pièces, comme Apronenia Avitia, la transposition discrète de Sei Shonagon dans la Rome antique. L’œuvre complète ainsi la mémoire collective. Enfin, le montage des fragments et leur circulation d’un texte à l’autre en font autant de traces intertextuelles, voire de motifs, ce qui permet d’ajouter aux mémoires personnelle et historique une mémoire textuelle, attentive à la dimension cyclique de l’œuvre. Quignard fait du fragment une forme-sens : lié à la fois à la philologie et à la psychanalyse, le fragment montre l’effacement des choses disparues, et tente de compenser cette disparition par l’écriture.
Le Dernier Royaume de Quignard entre chapitre et fragment Chapitre d’ouvrage - Avril 2017
Aude Leblond, « Le Dernier Royaume de Quignard entre chapitre et fragment
», in Claire Colin, Thomas Conrad, Aude Leblond (ed.), Pratiques et poétiques du chapitre, du 19e au 21e siècle, 2017
Résumé