Proposition d’appel à contribution pour un volume à paraître aux Artois Presses Université, collection « Littérature de jeunesse, éducation et formation »
Repenser les âges depuis la littérature de jeunesse et la culture d’enfance et de jeunesse
Si elle affiche, dans sa désignation même, son adresse à un public chronospécifique, la littérature de jeunesse soulève bien plus de questions sur la notion d’âge qu’elle n’en résout. Non seulement la jeunesse, construction fluctuante et aisément manipulable, ne cesse de s’allonger dans ses deux extrémités (la toute petite enfance d’un côté du spectre ; l’adolescence, les jeunes adultes de l’autre) mais la littérature dite de jeunesse se prête à une multiplicité d’usages et d’appropriations, de la maternelle à l’université , et bien au-delà. Le brassage générationnel des publics, l’assouplissement des seuils et des scansions temporelles, l’allongement des transitions vers l’âge adulte ou encore la flexibilité (choisie ou subie) des parcours de vie participent indéniablement d’une délinéarisation des âges de la vie. Mais l’affranchissement à l’égard du paradigme ternaire (jeunesse/maturité/vieillesse) et scalaire des âges de la vie – marches d’un escalier à gravir, – entre en tension, selon le type de productions, avec la persistance d’une segmentation, voire d’une ultra-segmentation des âges, palpable dans la création incessante de nouveaux découp« âges », voués d’ailleurs à vieillir très vite (adulescent, adonaissant, young adult, new adult, très jeune public …). Aux polémiques fréquentes sur ce qu’il faut ou ne faut pas donner à lire à tel ou tel âge, controverses étroitement liées aux questions de censure, d’autocensure et de protection de la jeunesse, s’ajoutent des jugements de valeur sur ce qu’on doit être capable de lire ou faire à tel à tel âge ou sur les lectures et les loisirs que l’on doit délaisser à partir de telle ou telle classe parce qu’on a passé l’âge . Cette normativité de la notion d’âge, qui fait que l’on est jugé trop jeune ou trop vieux pour telle ou telle lecture ou pratique culturelle – les jeux video par exemple – atteste de la dimension politique et axiologique de l’âge, outil de classement et de hiérarchisation des individus et des productions. Les approches diachroniques (XIXe-XXIe) et les perspectives comparatistes entre époques, aires culturelles et linguistiques seront intéressantes pour faire ressortir la dimension relative, relationnelle et contextuelle de l’âge. Étudier la fluctuation des seuils d’âges à la faveur des rééditions, des traductions, des adaptations et des programmes scolaires permettra en effet de montrer à quel point l’âge, irréductible à une approche biologique et chronologique, se voit modulé par des motivations d’ordre idéologique, éthique, éducatif, artistique ou marchand.
Notre attention se portera dans ce numéro sur la dimension à la fois clivante (seuils, tranches d’âge) et fédératrice (intergénérationnel, tout public) des usages de la notion d’âge dans le domaine de la littérature et des objets culturels de la jeunesse, secteurs qui reflètent tout autant qu’ils les infléchissent nos manières de scander l’existence et de réguler nos rapports entre générations. À ce titre, il serait intéressant de s’interroger sur les manières de faire parler des personnages de différents âges, de les représenter (sur le plan textuel et iconographique) ou encore de les incarner à la scène ou à l’écran, question d’autant plus complexe quand il s’agit de jouer un âge qui n’est pas le sien ou de jouer plusieurs âges au sein d’une même œuvre. Dans une perspective intersectionnelle, les contributions pourront s’attacher à montrer comment l’âge entre en interaction avec le genre , l’origine ethnique, la classe sociale pour rajeunir ou au contraire vieillir les personnages de fiction. Comment la littérature et la culture d’enfance et de jeunesse véhiculent-elles ou contestent-elles les représentations stéréotypées des âges ? Le Prix Chronos de littérature de jeunesse offre un exemple d’initiative citoyenne visant à promouvoir les liens de solidarités intergénérationnelles et à faire reculer les pratiques âgistes, en particulier les représentations exclusivement déclinistes du vieillissement . Les phénomènes de croisement (crossover, crosswriter), de brouillages (relatif) des âges mais aussi de désynchronisation entre âge civil, âge physique, âge social/statutaire, âge psychologique pourront être étudiés pour faire ressortir les tensions et multiples facettes de l’âge, notion polémique et multidimensionnelle dont la littérature de jeunesse est à la fois l’un des réceptacles et l’une des matrices.
Axes proposés pour les contributions (liste non exhaustive) :
Fluctuations des seuils et des tranches d’âges en fonction des époques, des aires culturelles et linguistiques
Liens entre âge de l’auteur/autrice, âge du public visé, âge du public réel
Rôle des institutions politiques, publiques, culturelles dans la segmentation des âges, leur assouplissement, leur normativité, leurs usages
Reconduction et/ou remise en question de la vision biologique de l’âge, de la normativité de l’âge, des stéréotypes âgistes
Liens entre âge(s) des publics et légitimation de pratiques artistiques et culturelles (manga, jeu vidéo, bande-dessinée, dessin d’animation, marionnettes)
Polémiques liées aux seuils d’âge, liens entre âge et censure, autocensure
Dimension clivante (segmentation, ségrégation, discrimination) et/ou fédératrice de la notion d’âge (intergénérationnalité, tout public)
Écrire, jouer, dessiner, mettre en scène, performer les âges
Interactions entre âge et genre, appartenance ethnique, milieu social
Impact de la sérialité sur le vieillissement des personnages et des destinataires
Multidimensionnalité de l’âge et disjonctions ou complémentarités entre ces dimensions : âge civil, âge statutaire/social, âge physique/biologique, âge mental, âge artistique …
Date-limite pour l’envoi des propositions (3000 signes) : le 15 avril 2024. Les auteurs et autrices des propositions retenues soumettront l’article complet (30 000 signes) pour le 10 septembre 2024, en respectant les normes éditoriales d’Artois Presses Université. Les propositions sont à envoyer aux deux adresses suivantes :
benedicte.milland-bove chez sorbonne-nouvelle.fr ;
marie.sorel chez sorbonne-nouvelle.fr.