Images du travail, travail des images - n°16 - Images, travail et jeux vidéo Appel à contribution

Organisateurs : Fanny Lignon, Herilalaina Rakoto-Raharimanana

Date limite d'envoi des propositions :

Lancement de l'appel :

Les civilisations occidentales opposent traditionnellement le jeu à l’étude, le plaisir à l’effort, le loisir au travail même si le sérieux du jeu n’est pas forcément nié (Huizinga, 1988 ; Caillois, 1967). Le jeu vidéo est aujourd’hui « l’un des loisirs les plus répandus dans les pays industrialisés » (Coavoux, 2019). Il semble désormais que tout le monde ou presque joue, en tout temps, en tous lieux, mais diversement selon son âge, son sexe, sa catégorie socio-professionnelle (Ter Minassian et al., 2021). Relevant de la sphère des loisirs, les jeux vidéo devraient ainsi a priori ne rien partager avec la sphère du travail. Cette assertion, qui feint d’ignorer leurs modes de production, vole en éclats dès lors qu’on observe d’un peu près les contenus et les pratiques, ludiques et autres, auxquelles ils donnent lieu. Loin de se regarder en chiens de faïence, les deux domaines semblent s’interpénétrer et il devient ainsi légitime de se demander ce que le travail fait aux jeux vidéo et ce que les jeux vidéo font au travail.

Dans ce numéro de la revue Images du Travail, Travail des Images (ITTI), les jeux vidéo seront abordés en tant qu’ils véhiculent des représentations idéologiques, culturelles, textuelles et audiovisuelles du travail et en tant qu’ils sont un secteur d’activité présentant des formes et des modalités diverses de travail. Seront envisagés les jeux vidéo dont l’objectif est de divertir [1], qu’ils soient conçus de façon industrielle ou plus artisanale. Tous les genres de jeux pourront être interrogés – depuis les puzzle game jusqu’aux jeux de simulation en passant par les jeux d’aventure-action, de combat, de rythme ou de gestion – cela quels que soient les publics auxquels ils sont destinés, les plates-formes (consoles, ordinateurs, smartphones, tablettes) qui les accueillent, les modèles économiques sur lesquels ils s’appuient.

Pour interroger les relations complexes qu’entretiennent les jeux vidéo avec le travail, ce numéro thématique d’ITTI privilégiera trois axes qui pourront être traités de façon croisée :

Axe 1 : produire
Les articles proposés interrogeront, en la contextualisant, la question du travail dans le domaine de la production vidéoludique. Ils pourront porter aussi bien sur des majors du jeu vidéo que sur des indépendants parfois réunis en petites structures. Sont attendus des textes sur les filières de formation, l’entrée dans le métier, les parcours personnels et professionnels des travailleurs du secteur, l’organisation du travail, la place des femmes, l’organisation des syndicats de travailleurs et travailleuses du secteur, etc. Tous les métiers liés à la création, à la production, à l’édition et à la diffusion des jeux ont vocation à être étudiés, des programmeurs aux critiques en passant par les game designer, les infographistes et les commerciaux. Sont également espérées des contributions portant sur la façon dont l’industrie vidéoludique renouvelle ou reproduit des stéréotypes et schèmes à l’œuvre dans les autres industries culturelles, par exemple sur le plan du genre. La question enfin de la qualité de vie au travail, des pièges et des avantages de ces métiers souvent choisis par passion, pourra être traitée.

Axe 2 : jouer
Les textes de cet axe interrogeront les représentations et l’expérience du travail - implicite ou explicite, formel ou informel, légal ou illégal, rémunéré ou non - proposées dans les jeux aux joueurs et joueuses. Il conviendra de distinguer, comme l’écrit Mathieu Triclot (2011), la « politique des images » de « la politique de l’algorithme », mais sans jamais perdre de vue que c’est leur alliance qui permet le jeu. D’un point de vue thématique, pourront par exemple être étudiés les gestes professionnels, les métiers mis en scène, l’accès à ces métiers, les conditions de leur exercice, les modalités d’évolution de carrière, les biens et services créés, le temps nécessaire pour les produire, les règles régissant ces activités. Au-delà de l’existant, les contributeurs et contributrices veilleront également à interroger tout ce qui n’est ni montré, ni donné à entendre, ni évoqué, ni transposé.
Sont aussi attendues des réflexions sur la réception des discours vidéoludiques par les joueurs et les joueuses, qu’ils et elles soient en cours d’étude, en activité ou à la retraite. Ces jeux participent-ils à construire, modifier ou redéfinir leur rapport au travail ? Préparent-ils les pratiquants et pratiquantes à se soumettre à un ordre établi (Octobre, 2018) ou leur donnent-ils les moyens de le critiquer, de se rebeller, d’expérimenter des modes de travail qui n’existent pas encore ? Quelles compétences professionnelles mettent-ils en avant ? Quels modèles féminins et masculins proposent-ils ? Quelle place pour l’individuel et le collectif ? Quel rapport à l’effort et aux apprentissages ? Quelle valorisation (sportive, symbolique, économique, technique, etc.) pour le travail fourni par les joueurs et les joueuses (e-sport, digital labor) ?

Axe 3 : détourner / augmenter
Ce dernier axe interrogera l’exploitation des jeux vidéo selon des modalités numériques, soit leur utilisation par des tiers qui n’en sont pas les créateurs pour produire des biens et services. Pourront être abordés les usages s’inscrivant dans le domaine ludique et participant au déploiement des jeux – comme par exemple l’animation de communautés de joueurs ou les vidéos réalisées par des youtubeur.se.s et les streameur.se.s –, les usages s’inscrivant dans des domaines autres et qui détournent les jeux de leur vocation première en les utilisant pour soigner, faire apprendre ou créer de nouvelles images (machinimas), les usages consistant à accumuler des biens virtuels pour en faire le commerce (farming), etc. De façon plus générale, la question du rapport au travail de ces formes augmentées devra être posée.

[1] Ainsi, les serious game (dont l’objectif est de diffuser un message ou de prodiguer un entraînement) et les métavers ne seront pas pris en compte.

Les propositions de contributions pourront être issues des différentes disciplines des sciences humaines et sociales. Elles reposeront sur l’analyse d’un corpus vidéoludique. Tous les articles devront comporter des images fixes (captures d’écrans, etc.) et / ou animées (vidéo avec liens de renvoi, etc.). Images du travail, Travail des images étant une revue scientifique entièrement numérique, gratuite et ouverte, les auteurs et les autrices devront à ce titre s’assurer qu’ils et elles disposent des droits d’utilisation et de diffusion des documents qu’ils et elles reproduisent.
Les articles seront d’un format compris entre 30 000 et 50 000 signes maximum.
Dans un premier temps, sont attendues des propositions d’articles soit des textes d’intention de 2000 à 3000 signes tenant compte du calendrier suivant :
13 juillet 2022  : date limite de réception des propositions par courriel aux adresses suivantes.
15 janvier 2023 : envoi des articles en vue de leur soumission au comité de rédaction de la revue.
Contacts pour toutes informations complémentaires et pour l’envoi des documents :
• Fanny Lignon, université Lyon 1 - Inspé, THALIM : fanny.lignon chez univ-lyon1.fr
• Herilalaina Rakoto-Raharimanana, Aix-Marseille université, MESOPOLHIS : herilalaina.rakoto-raharimanana chez univ-amu.fr
• La revue Image du travail, Travail des images : imagesdutravail chez gmail.com

Éléments bibliographiques :
Besenval M. (2021), « Résister dans les interstices : la subversion au travail dans un studio de création de jeux vidéo », Sociologie du travail, vol. 63, n°1. (Url : https://journals-openedition-org.docelec.univ-lyon1.fr/sdt/37951)
Bonhomme S. (2019), « Le joueur au travail ou le plaisir d’accumuler des richesses digitales », Sciences du jeu [En ligne], n°11. (Url : http://journals.openedition.org/sdj/1906)
Boutet M. (2011), « Un rendez-vous parmi d’autres. Ce que le jeu sur internet nous apprend du travail contemporain », ethnographiques.org [En ligne], n° 23. (Url : https://www.ethnographiques.org/2011/numero-23/)
Caillois R. (1967), Les jeux et les hommes, Paris, Gallimard.
Charrieras D. et Roy-Valex M. (2015), « Culture de la convergence chez les créatifs de jeux vidéo », Communication [En ligne], vol. 33, n°2. (DOI : https://doi.org/10.4000/communication.5976)
Coavoux S. (2019), « Les jeux vidéo, sociologie d’un loisir de masse », La Vie des idées, 12 novembre 2019.
Cocq M. (2019), « L’organisation et l’exploitation du travail des joueurs : le cas du projet Sword » dans Les activités menées sur les plateformes numériques – II, vol. 1, n°213, p. 111- 137.
Gillet G. et Leroux Y. (2021), Le jeu vidéo pour soigner ? Des résistances envers le jeu vidéo à son utilisation en psychothérapie, coll. Cybercultures - santé mentale, Éres.
Gilson G. (2019), « Des jeux vidéo en classe et des élèves aux manettes », Médiations & médiatisations, n°2, p. 29-53. (DOI : https://doi.org/10.52358/mm.vi2.76)
Huizinga J. (1988), Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu, Paris, Gallimard.
Lignon F. (2015), Genre et Jeux vidéo, coll. Le Temps du genre, Toulouse, Presses universitaires du Midi.
Octobre S. (2018), Les techno-cultures juvéniles. Du culturel au politique, Paris, L’Harmattan.
Rufat S. et Ter Minassian H., (2011), « Les terrains de jeu vidéo comme terrain de recherche », Carnets de géographes [En ligne], n°2. (DOI : https://doi-org.docelec.univ-lyon1.fr/10.4000/cdg.2766)
Savignac E. (2017) La Gamification du travail. L’ordre du jeu, coll. « Innovation, entrepreneuriat et gestion », Londres, ISTE éditions.
Ter Minassian H., Berry V., Boutet M. et al. (2021). La fin du game. Les jeux vidéo au quotidien, Tours, Presses universitaires François Rabelais.
Triclot M. (2011), Philosophie des jeux vidéo, Paris, Zone, chap. 8, p. 211-236. (Url : https://www.editions-zones.fr/livres/philosophie-des-jeux-video/)
Vetel B. (2017), « Le travail sur les serveurs illégaux de jeux en ligne », Poli : politique de l’image, n°13. (Url : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01493882)
Vetel B. (2018), « Les travailleurs pauvres du jeu vidéo », Réseaux, vol. 2-3, n°208-209, p. 195-228. (Url : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01911888v2)
Vincent R. (2021), « Du jeu vidéo au document de travail : la scolarisation d’Assassin’s Creed », Le temps des médias, vol. 2, n°37, p. 183-199.
Zabban V., Ter Minassian H. et Noûs C. (2020), « Les mondes de production du jeu vidéo », Réseaux, vol. 6, n°22, p. 9 à 29.

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