Quentin Morvan

Notre étude s’inscrit dans le lignage d’autres travaux récents qui ont fait apparaître des stratégies multiples de contestation et de démantèlement du genre de l’épopée et de son imagerie héroïque traditionnelle : sa nouveauté réside dans le découpage original de son corpus (Edouard Glissant, Pierre Guyotat, Antoine Volodine, Tristan Garcia) mais surtout dans son angle d’approche qui entend saisir la refonte d’une ontologie, plurielle, relationnelle, horizontale, au cœur du genre historique de l’assignation identitaire. Elle se propose d’ausculter les différentes formes de minoration d’une forme littéraire qui, historiquement, a toujours été l’émanation du point de vue des vainqueurs. Les œuvres qui ont ici retenu notre attention semblent prendre à contresens cette lecture multiséculaire de l’épopée et proposer un épique « à rebrousse-poil » (selon la formule benjaminienne), refusant de se référer aux transcendances consacrées (la Nation, la Communauté, l’Origine) et de s’adonner à la conquête de l’Autre qui, in fine, équivaut toujours à la réduction au Même. Tout au contraire, nos œuvres tendent à redistribuer les axiologies et les hiérarchies préétablies en se situant explicitement du point de vue des minorités, des corps invisibles et des vies minuscules, toutes ces existences constituant la doublure muette de l’histoire officielle tout autant que la frange extrême de l’humanité. Tout l’enjeu de cette thèse sera donc de redéfinir un épique non plus excluant, conquérant, identitaire, mais un épique qui soit le lieu d’une immanence conjonctive, d’une intégration de toutes les formes de vie, postulées égales en dignité.