Les Poètes et la publicité (19e-20e siècles) Colloque

Organisateurs : Marie-Paule Berranger, Laurence Guellec, Gaëlle Théval (coordinatrice)

Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, Salle Las Vargnas
Centre Censier
13 rue de Santeuil
75013 Paris
En raison du plan vigipirate l’entrée ne sera possible que si vous avez préalablement signalé votre présence à

Si la modernité n’invente pas la poésie publicitaire, elle ravive les couleurs d’une tradition (plutôt que d’un genre), celle de la « réclame en vers ». Le prestige de la poésie, ses vertus mnémotechniques, mélodiques, rythmiques, sont engagés au service de la parfumerie, des spécialités médicales, des eaux gazeuses et des bijoux de luxe : pour tous produits. Diffusée largement par une presse en plein essor ou éditée sur d’élégantes plaquettes réservées aux meilleurs clients du magasin, de la firme, anonyme ou autographiée, cette poésie commerciale modernise le genre encomiastique, passé au service des nouvelles gloires marchandes. Elle a séduit de nombreux annonceurs et elle plaisait au public. Elle a nourri, diverti, parfois crispé les poètes qui, comme Henry Murger, Jean Richepin ou Raoul Ponchon puis, au siècle suivant, Paul Valéry, Claudel, Cocteau, Ponge, jusqu’à Queneau pour Pechiney, ont cédé à l’ironique appel rimbaldien : « Que tes strophes soient des réclames / Pour l’abatis des mangliers ».
La publicité fait aussi partie de ces modèles formels et communicationnels auxquels se ressource volontiers la poésie ; elle offre une gamme de formules et de structures immédiatement identifiables et propres au réinvestissement ludique : de Charles Cros, Tristan Corbière, Jules Laforgue, de la bohème montmartroise, Mac Nab, Germain Nouveau, Jean Richepin à Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, Léon-Paul Fargue, Michel Leiris, Jean Tardieu ou Raymond Queneau et l’Oulipo, tout un courant de la poésie entre humour fin de siècle, modernité émerveillée, exploration de « l’inconscient culturel » et de la langue, s’engage dans la récupération parodique des formes de la réclame. Celle-ci fournit des matériaux bruts au collage, à la réécriture, noms de marques poétiques déjà chargés d’un contenu fantasmatique, structures superlatives ou aphorismes bien rythmés que leurs structures proches du proverbe inscrivent aisément dans la mémoire collective.
Les recherches et les expérimentations sur la composition, la typographie, l’assemblage des textes et des images, engagées au 19e siècle grâce aux innovations techniques de l’imprimerie industrielle, ont également stimulé l’inspiration poétique (la révolution sémiotique du Coup de dés mallarméen) et la création publicitaire. Associant le surréalisme et les audaces graphiques de la publicité contemporaine dans le même élan moderniste, le critique d’art Louis Cheronnet écrivait : « Les Publicitaires, ces techniciens, ces ingénieurs, ces marchands, sont au fond les plus purs poètes de l’imprimerie » (Arts et métiers graphiques, 1937). Affichistes, imprimeurs ont en effet partagé avec certains poètes le goût des dispositifs visuels, de l’art typographique, de la spatialisation des mots. Les vers figurés existent depuis la plus haute antiquité, et leurs avatars modernes, du côté du calligramme et de « l’idéogramme lyrique » (Apollinaire) ont fécondé la création publicitaire.
Des petits poèmes aux typoèmes : ces deux journées d’études sont consacrées aux dialogues, aux échanges de pratiques entre gens de lettres, artistes et techniciens publicitaires, à ces alliances, ces interférences ou ces contradictions entre poétique des textes, arts appliqués et univers marchands.

PROGRAMME

VENDREDI 15 JANVIER 2016

9h : accueil des participants
9h15 :présentation du programme ANR LITTéPUB par Marie-Paule Berranger, Myriam Boucharenc et Laurence Guellec

Que tes strophes soient des réclames
Responsable de session : Laurence Guellec
9h30 : Agnès CUREL (Université Sorbonne nouvelle – Paris 3), « Poèmes-boniments dans les cabarets montmartrois : l’exemple de Mac-Nab au Chat noir. »
10h00 : Franziska BLASER (Université de Bâle), « La poésie dans les Albums Mariani. »
10h30 : Henri Scepi (Université Sorbonne nouvelle – Paris 3), « Laforgue, poète banal. »
11h15 : Laurence GUELLEC (Thalim / Université Paris Descartes), « Les poètes réclamistes du XIXe siècle et la tradition de la réclame en vers. »
11h45 : Julien SCHUH (Université de Reims Champagne-Ardenne), « “C’est le Symbolisme de notre âge d’or qui est le père du Slogan”. Réclame, poésie et réenchantement à la Belle-Époque. »
12h15-12h45 : Discussion

Le surréalisme en publicité(s)
Responsable de session : Marie-Paule Berranger
14h30 : Marie-Paule BERRANGER (Thalim / Université Sorbonne nouvelle –Paris 3), « La poésie au jeu de la réclame. »
15h : Anne REVERSEAU (Université de Louvain / KU Leuwen), « Les affinités électives du surréalisme belge et de la publicité : autour de Paul Nougé et d’E. L. T. Mesens. »
15h45 : Marie HUET (Université Paris Sorbonne), « Le Bébé Cadum dans La Liberté ou l’amour ! de Robert Desnos (1927) et la poétisation du lieu parisien. »
16h15 : Massimiliano BRUNZIN PONTE (Max Ponte), Université Paris Ouest Nanterre / Université de Bologne, « Les poètes et la publicité en Italie : Gabriele D’Annunzio et les futuristes. »
16H45 : Émilie Frémond (Thalim / Université Sorbonne nouvelle – Paris 3), Ils en ont rêvé, la pub l’a fait. Des influences de la poétique surréaliste sur la publicité contemporaine.
17h15-17h45 : discussion

SAMEDI 16 JANVIER 2016

Poésie ≠Publicité ?
Responsable de session : Myriam Boucharenc
10h : Myriam Boucharenc (Université Paris Ouest Nanterre), « “Publicité = Poésie”. Retour sur un lieu commun moderniste. »
10h45 : Adrien CAVALLARO (Université Paris Sorbonne), « “Le goût de la réclame”. Les poèmes en prose critiques d’Aragon, de Sic à Littérature (1918-1920). »
11h15 : Juliette DRIGNY (Université Paris Sorbonne), « De la croix Vitafor à la lessive : décaper l’idéologie dans la poésie d’avant-garde des années 1970. »
11h45-12h15 : discussion

Impressions publicitaires et poésie graphique
Responsable de session : Gaëlle Théval
14h00 : Stéphanie DEPOISSE-MARCZAK (Institut français de Séoul), « Leonetto Cappiello, Guillaume Apollinaire et Le Poète assassiné. »
14h30 : Kristof VAN GANSEN (Université de Louvain / KU Leuwen), « Arts et métiers graphiques (1927-1939), poésie et publicité : la littérature comme art appliqué ? »
15h15 : Bettina THIERS (Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis), « La poésie concrète au service de la consommation ? L’exemple du poète concret et publicitaire Eugen Gomringer. »
15h45 : Gaëlle THEVAL (THALIM / Université Sorbonne nouvelle – Paris 3), « Poésie = publicité  : la publicité comme contre-modèle pour la poésie visuelle de la seconde moitié du 20e siècle ».
16h00 : discussion et conclusions des journées

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