Littératures africaines et écologie Colloque

Organisateurs : Xavier Garnier, Mamadou Ba

Programme : Cartographie écopoétique des littératures africaines

Université Cheikh Anta Diop
Campus universitaire, Dakar, Sénégal

Les questions environnementales sont un enjeu discret mais persistant du développement des littératures africaines depuis le début de l’époque coloniale. Les menaces écologiques qui pè-sent sur le continent, à la suite du réchauffement climatique, des prédations extractivistes ainsi que des conséquences des conflits armés, trouvent des répercussions fortes sur le plan littéraire. Il s’agira au cours de ce congrès, qui se déroulera pour la première fois depuis la création de l’APELA sur le continent africain, de montrer la pertinence des préoccupations environnementa-listes des littératures africaines en lien avec les grands défis contemporains à l’échelle mondiale.
L’imaginaire géographique qui accompagne depuis le XVIIIe siècle la pénétration euro-péenne du continent africain a donné lieu à un héritage critique partagé entre l’Europe et l’Afrique pour appréhender les littératures du continent, dans leur versant oral comme écrit. Les études sur les littératures coloniales ont très largement contribué à la prise en compte des enjeux spatiaux à propos de textes qui font une large place aux paysages africains. Depuis une dizaine d’années, plusieurs colloques et journées d’étude de l’APELA ont porté sur des questions spa-tiales, dans une optique géocritique. Le congrès de 2009 à Bayonne, sur « Littératures africaines et territoires » (publié chez Karthala en 2011), la journée d’études « La question du paysage dans les littératures africaines » (dossier publié en 2015 dans la revue Études Littéraires Africaines, n°39), ont permis d’aborder, de façon oblique, la question environnementale. Le fait que cette problé-matique a surtout été abordée de biais nous invite à nous interroger sur ce qui gêne l’émergence d’un discours écocritique pour le continent africain. L’assignation « primitiviste » des peuples colonisés à leur milieu naturel dans l’idéologie coloniale en est peut-être une des raisons. Il est à cet égard révélateur que si peu de travaux de recherche, qui se sont pourtant inscrits dans la mou-vance de la négritude, se soient intéressés aux poétiques générées par la revendication sengho-rienne d’une civilisation nègre caractérisée par un grand respect de la nature. L’ambition du col-loque est donc de promouvoir une lecture des littératures africaines qui interroge le rapport au lieu et au vivant sous toutes ses formes dans le contexte d’une prise de conscience de l’urgence écologique.
L’apport des études postcoloniales sur le plan méthodologique est ici important, notam-ment par la façon dont elles ont contribué au « tournant spatial » dans les sciences humaines, par leur recherche d’un décentrement épistémologique. Qu’en est-il des relations unissant humains et non-humains dans des territoires qui ont été soumis à diverses formes de colonisations ? Quel rapport aux lieux cela entraîne-t-il ? Comment le concept de « zone », décliné dans ses différentes qualifications – « zones critiques », « zones sensibles », « zones à risques », voire, le plus médiatisé « zones à défendre » – peut-il nous aider à lire les paysages et environnements affectés par une présence humaine prédatrice de nature extractiviste ? Comment se déploie, dans la littérature, une "écologie du sensible" (Ingold) par le langage, c’est à dire comment l’attention à un paysage – à sa beauté comme à sa dégradation – se manifeste-t-elle poétiquement, que ce soit dans les textes écrits et publiés, ou dans des textes oraux et performés (chansons, slams, contes, théâtre…) ? Quelles expériences vécues les textes littéraires engageant une réflexion écologique traduisent-ils en termes de rythme et déplacements des personnages ou des narrateurs, et en termes de musicalité (d’acoustique) ? Comment une dimension cosmologique s’articule-t-elle aux questionnements éco-logiques ? Il importe en tous les cas d’envisager selon quels moyens littéraires les écrivains afri-cains transforment leur conscience écologique en dynamiques créatrices.
Ce congrès sera également l’occasion d’étudier la participation de la création littéraire et artistique aux luttes écologiques locales et globales. Sites miniers, lignes d’aridité, « grands projets inutiles » (industriels ou touristiques), gestion des déchets et des hydrocarbures dangereux, crises de l’environnement urbain sont autant de lieux ou de zones susceptibles d’être sollicités dans une perspective cosmopolitique. L’attention aux récits et aux langages engageant le vivant et la nature intéresse plus largement les sciences humaines et sociales, c’est pourquoi les contributions trans-disciplinaires en dialogue avec l’anthropologie, la géographie ou la philosophie seront les bienve-nues.

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