Belatedness as possibility : repenser les Subaltern Studies Les désignations disciplinaires et leurs contenus. Le paradigme des studies

Intervenants : Anne Castaing, Elena Langlais

MSH Paris Nord
20 av George Sand 93210 St-Denis la Plaine

Près de 10 ans après son œuvre-phare Provincialiser l’Europe (2000), Dipesh Chakrabarty, l’un des fondateurs du collectif indien des Subaltern Studies, publie un article au titre intrigant : « Belatedness as possibility » (2011). Dans le langage de l’Occident, y interroge t-il avec ironie, l’Inde a-t-elle jamais été débarrassée du spectre du retard ? Comme on a pu l’écrire, les Subaltern Studies comme projet indigène de déconstruction historiographique ne témoignent-elles pas de ce retard quand elles visent à écrire une histoire par le bas déjà initiée par les travaux d’historiens européens tels qu’Alexander Gerschenkron et son Economic Backwardness in Historical Perspective (1952) ou, pour la France, par ceux de Jules Michelet ?
Au principe de « retard », Chakarabarty oppose pourtant celui de « possibilité » : possibilité d’écrire une histoire « autrement », en provincialisant les modèles dressés par l’Occident ; possibilité d’ériger ce retard en « différence », concept largement prisé et essentiel dans le contexte contemporain ; possibilité, enfin, de penser l’histoire et la culture au prisme de productions et d’imaginaires indigènes singuliers.
Ironiquement, le retard que discute Chakrabarty fait écho aux résistances hexagonales vis-à-vis de ce type de discours. En témoignent en France les traductions longtemps attendues d’ouvrages aussi fondamentaux que ceux de Chakrabarty (2009), Homi Bhabha (2007) ou Gayatri Spivak (2009), sans parler de l’occultation des Subaltern Studies dans le paysage intellectuel français. Des ouvrages non encore traduits tels que Subalternity and Difference (2011) de Gyanendra Pandey ou History in the Vernacular (2008) de Partha Chatterjee et Aquil Raziuddin, pour ne citer que des grandes figures, ouvrent pourtant de vastes fenêtres sur les questions de différence et d’intégration, si précieuses aujourd’hui.
Cette communication vise à interroger les résistances françaises vis-à-vis d’une pensée critique pourtant largement prisée dans le monde anglo-saxon comme dans les pays anciennement colonisés, de l’Afrique à l’Amérique du Sud. Si ces résistances témoignent d’un échec à penser tant la différence que les héritages épistémiques de la colonisation, elles induisent une méconnaissance des outils fournis par les Subaltern Studies sur la question des subalternités. Au regard d’une décontextualisation des Subaltern Studies, cette communication vise enfin à montrer qu’il devient possible de repenser leur appareil critique pour le rendre efficace à toute réflexion sur les rapports de pouvoirs et les hégémonies, telle que celles menées tant par les Gender Studies que par les Childhood Studies ou les Animal Studies.

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