L. Zecchini, "Activisme et littérature : quelques exemples à partir de l’Inde" Se faire artiste : entre engagement (dans le) collectif, singularité de l’artiste et entrepreneuriat de soi

Intervenant : Laetitia Zecchini

Bordeaux
LAM - Les Afriques dans le Monde

L. Zecchini, "Activisme et littérature : quelques exemples à partir de l’Inde", Workship organisée par Maëline Le Lay et Armelle Gaulier

A partir de l’exemple de International PEN (première organisation mondiale d’écrivains, et l’une des premières ONG internationales) dans les combats qu’elle mène en faveur de la liberté d’expression et de la littérature, et à partir de plusieurs exemples d’écrivains indiens, je m’interrogerai sur la question et les modalités de l’activisme en littérature, entendu à la fois comme activisme à travers la littérature, et comme activisme au service de celle-ci ; et sur cette tension soulignée dans l’argumentaire et le titre du workshop. C’est à dire, dans les mots d’Edouard Glissant, comment être à la fois « solitaire et solidaire » ? Comment concilier la préservation de l’individuel « en tant que ressource » avec la recherche d’un « continuum collectif » ; et la poétique comme invention faite dans/par le langage et la politique comme forme de pratique collective ?
Ces questions traversent les œuvres, et les organisations que j’étudie. Pour le PEN, depuis les années 20 et jusqu’à la deuxième guerre mondiale, cela prend la forme d’un auto-questionnement permanent : comment concilier politique et littérature, mais comment, également, préserver la littérature de la politique. Car jusqu’à la deuxième guerre mondiale, le PEN a revendiqué un apolitisme de principe, en tout cas une position supra-politique (au-delà des états, des partis et des intérêts particuliers), qui était aussi perçu comme la condition de son indépendance. Elle se sert aujourd’hui de la célébrité de ses membres pour médiatiser les nombreuses campagnes qu’elle mène en faveur des écrivains menacés, emprisonnés, ou torturés.
Pour de nombreux écrivains indiens, il n’y a pas de refuge ou de retraite possible vis-à-vis de la violence du monde extérieur, et des menaces propres qui pèsent sur le champ artistique et culturel (où de nombreux écrivains, artistes, journalistes, chercheurs sont harcelés, censurés, voire assassinés en Inde). J’examinerai donc le rapport entre activisme et littérature, à travers les trajectoires et les mobilisations de 4 écrivains indiens contemporains : Githa Hariharan, écrivaine et fondatrice de l’extraordinaire plateforme progressiste, le « Indian Writers Forum Trust » ; Perumal Murugan, écrivain tamoul qui annonce en 2015 sa mort littéraire en direct sur Facebook après une campagne d’intimidation d’une rare violence, aujourd’hui l’un des vice-présidents de International PEN ; la poétesse Karthika Naïr, pour qui un(e) écrivain(e) ne peut pas être autre chose qu’un€ activiste, et la poésie a vocation à donner une voix / une bouche à la souffrance (singulière et collective) ; et enfin Amit Chaudhuri qui entend « l’activisme littéraire » un peu différemment - mais de manière à mon avis complémentaire - comme l’activisme au service de la littérature (et d’une idée de celle-ci) plutôt que d’une cause sociale ou politique, et qu’il oppose à « l’activisme du marché », c’est-à-dire la manière dont le marché détermine avec une force croissante, la valeur de ce qui est publié, reconnu, célébré

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