Zones souterraines sensibles : sortir de la prison extractive dans The Raw Man de George Makana Clark et Femme du ciel et des tempêtes de Wilfried N’Sondé Colloque de l’APELA - "Littératures africaines et écologie"

Intervenant : Marie Pernice

Université Cheikh Anta Diop
Dakar, Sénégql

En aménageant les profondeurs du continent africain en vue d’accumuler des matières premières minières ou énergétiques, l’extractivisme impose son ordre non seulement à l’environnement souterrain, mais aussi aux corps des individus qui travaillent et vivent avec lui. Dans les romans The Raw Man (2011) de l’auteur zimbabwéen George Makana Clark et Femmes du ciel et des tempêtes (2021) de l’auteur français d’origine congolaise Wilfried N’Sondé, la mine de cuivre et le futur site d’exploitation gazière qui servent respectivement de cadre au récit sont ainsi décrits comme de véritables prisons souterraines. En descendant dans ces lieux, les héros des deux romans s’y retrouvent physiquement pris au piège. À travers leurs corps contraints, ils font alors la douloureuse expérience de la violence des logiques extractivistes qui ont refaçonné les sous-sols. L’enfermement sous terre n’est toutefois pas sans issue chez Clark et N’Sondé. Les deux auteurs laissent en effet entrevoir une possibilité de s’échapper des mondes souterrains rendus carcéraux par l’extractivisme. Cela nécessiterait de les considérer non plus comme des lieux à évider de leur matière, mais au contraire comme des « zones sensibles », des milieux naturels fragiles, à entendre, à toucher, à voir, à sentir. Percevoir intensément les « profonds » dans toute leur « concrétude », pour reprendre les mots d’Édouard Glissant (2018), serait alors la source d’une double libération à la fois des personnages et de l’environnement captifs. En plus de guider la remontée hors de la gangue souterraine, le contact intime avec les profonds, à travers des corps et des sens réappropriés, amènerait en effet à prendre conscience des liens qui relient l’ensemble du vivant et du non-vivant au sein d’un même « espace intercesseur du sensible » (Tassin, 2020). Se dessinerait dès lors la possibilité de renégocier un rapport aux écosystèmes souterrains, et plus largement à l’ensemble du monde naturel, libéré des pressions de l’extractivisme. La réalisation de celle-ci dans les deux romans une fois la surface retrouvée sera aussi à interroger.

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