Albert Cohen dans son siècle Ouvrage (y compris édition critique et traduction) - Septembre 2005

Philippe Zard, Alain Schaffner

Philippe Zard, Alain Schaffner, Albert Cohen dans son siècle , Le Manuscrit, 2005. ISBN 2748155629

Résumé

On le disait retiré et misanthrope mais, dans ses dernières années de vie, il n’a dédaigné ni la radio ni la télévision auxquelles il doit beaucoup de sa notoriété tardive – et parfois équivoque. Son nom est resté très longtemps ignoré des manuels scolaires et des histoires littéraires, mais c’est de son vivant que se préparait l’édition de ses œuvres dans la Bibliothèque de la Pléiade. L’Université l’a longtemps méconnu, mais on a évoqué son nom pour le prix Nobel. On admirait Belle du Seigneur, Solal, Mangeclous, mais on ne les étudiait jamais. Il ne parlait guère des écrivains de son siècle, sauf pour en dire du mal, mais il maîtrisait comme personne le monologue intérieur et toutes les prestidigitations verbales que la modernité a consacrées. Il prétendait n’avoir rien lu mais son œuvre était saturée d’héritages et d’allusions. À l’époque de la « mort de l’auteur », il croyait encore au génie ; plus âgé seulement de cinq ans que Nathalie Sarraute, il se sentait moins son contemporain que l’héritier de Dostoïevski et de Tolstoï, dont il feignait de se moquer. Il était l’enfant de l’absurde, mais son œuvre évoque à l’envi la Loi, la morale, et ce Dieu auquel il ne croyait pas, mais qu’il révérait. Sioniste de la première heure, il n’a jamais posé le pied en Israël. Il a décrié la passion amoureuse mais Ariane et Solal ont pris place aux côtés de Tristan et Iseult, Roméo et Juliette, Saint-Preux et Julie. Les féministes le détestaient ou l’adoraient, c’est selon. Le Livre de ma mère suscitait l’enthousiasme ou l’exaspération. Trop moderne pour les classiques, anachronique pour les avant-gardes, trop juif pour les uns, pas assez pour les autres, trop naïf pour les cérébraux, trop cynique pour les sentimentaux. Tour à tour trop charnel et insupportablement puritain  est-ce contradictoire ? D’aucuns le citent comme un prophète post-testamentaire, quand d’autres l’évoquent comme un manipulateur malicieux  est-ce incompatible ? Mais bien rares sont ceux qui, au contact de son œuvre, sont restés impassibles. Plus de vingt ans après la mort d’Albert Cohen, il nous importait en tout cas de prendre la mesure d’une œuvre qui, à nos yeux, prend place au niveau des plus grandes. On ne refera pas ici l’histoire de la critique universitaire d’Albert Cohen, sinon pour rappeler que, presque inexistante jusqu’à la fin des années quatre-vingt  à l’exception remarquable de l’ouvrage pionnier de Denise Goitein-Galpérin, Visage de mon peuple (1982) , elle n’a cessé, depuis, de s’enrichir. Quelques dates pourraient être retenues : l’édition de ses œuvres (incomplètes) dans la « Bibliothèque de la Pléiade » (1986 et 1993), la naissance des Cahiers Albert Cohen en 1991, la première traduction de Belle du Seigneur en anglais par David Coward en 1995, le colloque du centenaire et la journée d’études pour les trente ans de Belle du Seigneur (Amiens, 1995 et 1997), l’ouvrage de Jack Abecassis, Albert Cohen. Dissonant Voices (2005), première étude en anglais sur l’œuvre de Cohen. Il faut évidemment y ajouter la belle moisson d’ouvrages, de thèses et d’articles dont la plupart des auteurs figurent parmi les contributeurs de ce recueil . Il était devenu nécessaire de faire le bilan des approches existantes et de les confronter pour frayer des voies nouvelles à la recherche. C’est à ces deux tâches que le colloque « Albert Cohen dans son siècle », organisé à Cerisy-la-Salle du 2 au 9 septembre 2003, s’est consacré. Qu’Albert Cohen soit de son siècle, tout l’atteste : son style, son esthétique, ses engagements, ses obsessions  celles d’une ère de soupçon et de désastres. Mais que cette œuvre occupe dans son siècle une place singulière, qu’elle fasse entendre une parole décalée, orientée par un projet d’une rare unité, forçant la modernité à se confronter à nouveau à des catégories et des questions anciennes (celles du sens, des valeurs et des mythes collectifs), c’est ce que démontrent les études ici réunies. Cohen n’écrit pas seul, ne pense pas seul. Il importe de connaître les cheminements intellectuels ou artistiques de ses contemporains,  tantôt pour comprendre ce que l’écrivain doit à son temps, tantôt pour appréhender ce en quoi il s’en distingue. D’où l’intérêt des mises en perspective proposées par la comparaison avec des auteurs aussi différents que Proust, Thomas Mann, Zangwill, Raymond Aron… et même Louis-Ferdinand Céline.

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