Drôle de fiction que Le Voyage d’Hiver dont l’incipit situe l’action à l’orée de la « drôle de guerre ». De fait, ce proto-récit et ses transfictions oulipiennes n’auront de cesse de réévaluer les conséquences de la Seconde Guerre Mondiale, en prenant la voie oblique des textes. Dans le récit signé Perec (pour lequel le bilan personnel du conflit est bien connu), la « disparition » du texte de Hugo Vernier est consécutive au bombardement de la villa des parents de Borrade. C’est la perte et la disparition qui initient la quête de Degraël. Toutefois, l’arsenal de la transfiction semble susceptible d’en rédimer l’échec apparent. Ainsi, les transfictions qui suivent peuvent-elles être lues à plusieurs niveaux. Le Voyage d’Hier avec son travail onomastique, les expansions et annexions de textes perecquiens, témoigne d’une alliance textuelle qui fait la démonstration d’une écriture susceptible de surmonter conflits et mort. Quant au Voyage d’Hitler et les textes de Jouet, Monk et Mathews (il n’est d’ailleurs pas indifférent que ce « bloc transtextuel » soit écrit par des français, un britannique et un américain), ils rebattent les cartes de l’Histoire, l’infléchissant via la fiction et intégrant la petite histoire de l’Oulipo dans la grande. On verra que le récit de conflit cède la place aux ironiques et inoffensifs « conflits de récits ». Le monde qui a émergé n’aura plus les yeux rivés vers le passé – désormais la blessure originelle peut s’estomper et l’Oulipo se passer des frontières.
Ici Londres" : Les oulipiens parlent aux oulipiens Chapitre d’ouvrage - 2023
Christophe Reig, « Ici Londres" : Les oulipiens parlent aux oulipiens
», in Dominique Glynn, Jean-Michel Gouvard (eds.), L’Oulipo et la Seconde Guerre mondiale, 2023, pp. 117-130. ISBN 979-10-300-0992-7. 〈http://www.pub-editions.fr/index.php/l-oulipo-et-la-seconde-guerre-mondiale-5301.html〉
Résumé