Suez 1869 : un cosmopolitisme eurocentré ? Chapitre d’ouvrage - 2020

Sarga Moussa

Sarga Moussa, « Suez 1869 : un cosmopolitisme eurocentré ?  », in Franck Hofmann, Markus Messling (eds.), The Epoch of Universalism. L’époque de l’universalisme. 1789-1989, 2020, pp. 85-101. ISBN 978-3-11-069147-4

Résumé

Cet article propose l’hypothèse selon laquelle l’ouverture du canal de Suez, célébré par nombre de témoins, en 1869, comme le « mariage de l’Orient et de l’Occident », selon la formule de l’historien de l’art Charles Blanc, fut en réalité la mise en scène d’un cosmopolitisme eurocentré. Le rêve du creusement de l’isthme de Suez remonte à l’antiquité pharaonique. Mais c’est Bonaparte qui, dans l’histoire moderne, lui redonna un nouvel élan, relayé par le projet « civilisateur » des saint-simoniens, dont le jeune Ferdinand de Lesseps fut lui-même proche. On s’intéressera au discours d’une utopie réconciliatrice chez un certain nombre de voyageurs français invités par le khédive Ismaïl (Blanc, Taglioni, la Bédollière, Pharaon...) – discours reposant sur une profonde asymétrie, puiqu’il conduisit, dans les faits, à la ruine de l’État égyptien, donc à son affaiblissement, qui en fit une proie facile pour l’occupant anglais, en 1882. On rappelle également les « absents » de l’histoire – les fellahs (les paysans égyptiens qui, les premiers, creusèrent le canal dans des conditions très difficiles), bien peu présents dans les récits des voyageurs français, mais aussi les Arabes (au mieux réduits textuellement à une scénographie pittoresque, au pire symptômes des préjugés ethnocentriques caractéristiques du « discours orientaliste » dénoncé par E. Said), enfin les invités orientaux eux-mêmes aux fêtes de Suez, lesquels se comptaient par centaines, si ce n’est par milliers, mais dont il reste à retrouver les témoignages, au-delà de leurs représentations plus ou moins instrumentalisées, ainsi la figure d’Abd el-Kader, dans un journal comme L’Isthme de Suez. Journal de l’union des deux mers. On termine en évoquant un contre-discours en creux, celui de Théophile Gautier, qui ne mentionne pas une seule fois (silence assourdissant !) le nom de Lesseps dans les feuilletons de son séjour en Égypte, en 1869.

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