Aux confins des spectacles de curiosité

Organisateurs : Patrick Désile, Valérie Pozner

La catégorie des spectacles de curiosité recouvre, au XIXe siècle, tous les spectacles qui ne sont pas considérés, par l’autorité publique, comme du théâtre, et qui sont, dès lors, soumis à un régime juridique et fiscal plus contraignant. « Tels sont les concerts, bals, exercices équestres, panoramas, dioramas, feux d’artifice, spectacles de marionnettes, expositions d’animaux, etc. » écrit le juriste Adolphe Lacan au début du Second Empire.
Cette catégorie ouverte, disparate, est ainsi moins définie par les caractères communs aux entités qui la composent que par ses bords. Aussi n’est-il pas illégitime de vouloir les examiner.
Ce qui jouxte d’abord les spectacles de curiosité, c’est, donc, le théâtre. Mais cette limite est imprécise et changeante. Le cirque est spectacle de curiosité en province, théâtre à Paris ; les Funambules ou le théâtre de Madame Saqui, spectacles de curiosité, pratiquent incessamment des genres dramatiques qui leur sont en principe interdits ; les marionnettes, spectacles de curiosité, sont cependant bien proches du théâtre ; le cinéma est d’abord spectacle de curiosité, mais les tribunaux conviennent bientôt que « les scénarios […] doivent être considérés comme étant des ouvrages dramatiques ».
On ne saurait d’ailleurs se borner au seul cadre juridique et aux relations avec l’art dramatique : d’autres spectacles de curiosité ne s’apparentent pas tant au théâtre qu’aux beaux-arts (au XIXe siècle, et selon Pierre Larousse, « la musique, la peinture, la sculpture, l’architecture, la poésie, l’éloquence et la chorégraphie ») ou du moins leur sont contigus. Les concerts, on l’a vu, sont (en général) des spectacles de curiosité ; il en va de même, souvent, pour la danse ; le panorama ou le diorama relèvent de la peinture (de paysage ou d’histoire) ; les figures de cire, les tableaux vivants ne sont pas éloignés de la sculpture. Or, là encore, mais d’une autre façon, la contiguïté peut être problématique : le diorama ou les figures de cire gauchissent les arts dont ils pourraient sembler l’accomplissement, et, si l’on peut dire, les inquiètent. D’autre part, le cirque, le panorama, d’autres spectacles appellent une architecture spéciale, suscitent des espaces inédits. Et puis, bien entendu, les spectacles de curiosité fournissent le motif de représentations nombreuses et comme obliques…
Enfin, la pertinence de la catégorie de spectacle de curiosité, créée en 1806 par Napoléon en marge de son projet d’assujettissement du théâtre, pourrait sembler limitée à la France du XIXe siècle (champ au demeurant très riche, dont le séminaire a, en effet, privilégié l’étude jusqu’ici). Or les spectacles qui la composent existent évidemment ailleurs, et les transferts avec d’autres aires culturelles (qui intéressent par exemple le panorama, le cirque, le café-concert) sont fréquents ; certains de ces spectacles, d’autre part, sont apparus dès le XVIIIe siècle (et même, si l’on veut, bien plus tôt) et la catégorie conserve, tard dans le XXe siècle, une valeur juridique (l’ordonnance de 1945 relative aux spectacles les mentionne encore). On est donc fondé à s’interroger sur la façon dont les spectacles dits « de curiosité » dans la France du XIXe siècle furent, en d’autres lieux ou d’autres temps, non seulement encadrés juridiquement, mais pensés et perçus.
Le séminaire, en 2019-2020, sans renoncer à explorer le champ qu’il défriche depuis plusieurs années, se propose donc d’élargir l’enquête à ses confins et de tenter d’éclairer en quelque sorte du dehors la catégorie des spectacles de curiosité.

Séances du séminaire

Séance(s) passée(s)

Actualités