Nombreux sont les écrivains entrés en littérature peu avant ou après la Grande Guerre – Cocteau, Soupault, Desnos, Beucler et bien d’autres encore – qui ont fait dialoguer poésie et peinture, écriture et photographie, se sont passionnés pour le cinéma, ont répondu à l’appel du reportage et de la publicité, avant de se tourner vers la radio, pour l’essentiel après la Seconde Guerre. Cet élan médiatique les a conduits à dépayser l’écriture en s’aventurant « hors le livre », à élargir leur champ d’action au monde des sons et des images. Ils ont ainsi exploré les possibles et les contraintes de ces formes nouvelles d’expression au point que l’histoire de la modernité littéraire du XXe siècle n’est pas dissociable de celle des médias, ses supports, ses techniques, ses genres et ses acteurs.
Le parcours de Cendrars, exemplaire à cet égard, présente toutes les facettes possibles d’une inlassable curiosité pour les domaines de création qui permettent de « dégeler les paroles » en leur donnant souffle et corps, à commencer par le « septième art » – une périphrase qui a fait son chemin et qu’on lui devrait – jusqu’aux nombreux entretiens pour la presse ou la radio française et suisse, où l’auteur s’est plu à distiller sa légende. La Fin du monde filmée par l’Ange N.-D, Kodak, L’ABC du cinéma, Films sans images : il n’est que d’égrener ces quelques titres pour que se dessine le profond sillon qu’ont tracé dans son œuvre la passion des images, le bruissement des sons et des voix, cette « rumeur du monde » à laquelle il pensait dédier un livre-somme.
Dans le prolongement des études recueillies en 2006 dans BlaiseMédia. Cendrars et les médias (Ritm, n° 36), le séminaire poursuivra l’examen du foisonnant corpus « multimédial » de l’auteur en mettant l’accent sur les transferts techniques et les collaborations inter-artistiques : adaptations et lectures radiophoniques de ses œuvres, livrets de ballets, projets et scénarios de films, création avec musiciens, réalisateurs, photographes et peintres. Il envisage les relations et les formes de travail qui se sont construites avec quelques figures majeures de l’art radiophonique (Paul Gilson, Nino Frank, Albert Rièra, Alain Trutat), les interactions qui modifient les pratiques d’écriture « littéraire », les effets de capillarité entre modalités de l’image en mouvement et poétique, les concurrences et les croisements entre l’écrit et l’oral, le lisible et le visible. Enfin, il se propose de situer les interventions du poète dans ces domaines que lui ont découverts les nouvelles technologies de son temps au regard des expérimentations de ses contemporains et de leur usage des nouveaux supports. Quelles conceptions de la « mise en ondes », de « l’illustration » sonore, de la voix à la radio, de la diction, du « documentaire » ou de l’entretien radiophonique prévalent alors ? Quelle forme revêt le scénario, un genre non encore « fixé » quand Cendrars s’y essaie ?
CONSTELLATION CENDRARS. Faire création de tout. Blaise Cendrars multimédial Séminaire 2023-2024
Organisateurs :
, Myriam BoucharencSéances du séminaire
Séance(s) passée(s)
-
"Films sans images" de Blaise Cendrars Le 24 novembre à 16 h
Conférence de Joao da Rocha : « Films sans images » de Blaise Cendrars : le cinéma retrouvé ?Que cache cette référence ultime au cinéma dans le dernier livre publié par Cendrars de son vivant ? Choisi pour réunir en volume trois des fictions radiophoniques que l’écrivain signa avec la collaboration de Nino Frank, ce titre de "Films sans image" ravive la nature conflictuelle du rapport que Cendrars semble avoir entretenu avec le cinéma, à la suite de l’expérience décevante des années 20. En analysant précisément la mise en ondes de deux de ces fictions originales - celles auxquelles Cendrars aurait le plus étroitement collaboré - nous montrerons comment ces œuvres pour la radio peuvent être interprétées comme des sortes de fables théoriques mettant en question le pouvoir et les limites du cinéma. Au-delà de sa participation, jugée minime à l’élaboration et la conduite de ces œuvres, on tentera par ailleurs d’analyser en quoi ce dernier retour d’affection de Cendrars vers ce médium, complexifie les apports d’une réflexion théorique plus large sur la création radiophonique.
La conférence sera suivie d’une discussion puis du CA de l’Association de ’AIBC à 18h
Salle Mariette
INHA, 2, rue Vivienne -75002 Paris -
La Création du monde. Blaise Cendrars et le ballet
-
Birgit Wagner (Université de Vienne), "Littérature /Vie pauvre". Blaise Cendrars poète "multimédial"
-
Marion Chenetier-Alev (ENS/UMR Thalim) ; Céline Pardo (CELLF/Sorbonne Université)
-
Pierre-Marie Héron, « Pourquoi ? Pourquoi ? » ; Marie-Madeleine Mervant-Roux
-
Dorothée Cunéo, « Tout autour d’aujourd’hui » et La Fin du monde filmée par l’ange N.-D. ; Claude Leroy, Éloge de l’intermédiaire. Petite visite au bureau des inventions