Peut-on penser une écologie culturelle ? Genre, littérature, francophonie et études postcoloniales : transits Séminaire 2014-2015

Organisateurs : Mireille Calle-Gruber, Jean Bessière, professeur (Paris 3)

« Chez l’écrivain, la pensée ne dirige pas le langage du dehors : l’écrivain est lui-même comme un nouvel idiome qui se construit […]. Le prosaïque se borne à toucher par des signes convenus des significations déjà installées dans la culture. La grande prose est l’art de capter un sens qui n’avait jamais été objectivé jusque-là et de le rendre accessible à tous ceux qui parlent la même langue. Un écrivain se survit quand il n’est plus capable de fonder ainsi une universalité nouvelle et de communiquer dans le risque. Il nous semble qu’on pourrait dire aussi des autres institutions qu’elles ont cessé de vivre quand elles se montrent incapables de porter une poésie des rapports humains, c’est-à-dire l’appel de chaque liberté à toutes les autres ».

Telle fut la présentation par Merleau-Ponty de La Prose du monde, ouvrage encore en chantier lorsqu’en 1952 il s’apprêtait à entrer au Collège de France.

C’est à l’enseigne de cette « grande prose » par quoi le philosophe entend la littérature dans sa noble exigence poétique, c’est-à-dire à l’enseigne du travail inaliénable de la langue en ses variables toujours réinventée, que l’on se propose de reconsidérer des notions et des domaines de recherche qui ne sont pas sans danger de s’institutionnaliser et de « cesser de vivre ». Ainsi des termes de « World fiction » et « littérature monde » qui se sont imposés dans un mouvement d’internationalisme culturel ; ou de la notion « genre » qui semble prévaloir désormais en matière d’études des différences sexuelles. Quant aux domaines dits de la francophonie et des études postcoloniales, on ne sera jamais assez attentif à en déconstruire le lexique, tout comme celui de la « globalisation » dont on nous apprend que ses lois régissent la circulation des œuvres littéraires et artistiques, jusqu’à modifier les pratiques voire les processus de la création.

On s’attachera donc à l’analyse d’ouvrages singuliers, de spécificités, de réfractions, de phénomènes irréductibles relevés dans la littérature, les arts, les sciences humaines, et capables de donner les moyens de distinguer monde et mondialisation, les genres et le genre, la littérature et la littérature ; sans oublier d’interroger l’universalité de l’université, et la question de la question : aurons-nous bien posé les mots ? Syntaxé les idiomes ? donné l’hospitalité à notre insu ? éprouvé entre toutes nos définitions la plus tendre ? la plus passible ?

Peut-être, alors, pourra-t-on, insatisfaits des routinières négociations transfrontalières, faire droit à une poésie des rapports humains et non humains, et commencer à appeler quelque chose comme l’idée d’une écologie culturelle..

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