La 6e séance du séminaire organisé par Aline Bergé, Xavier Garnier (Littérature et spatialité – EAC 4400) et Marc Kober (Paris 3) accueillera Jean-Luc Raharimanana (écrivain), Thierry Bédard (metteur en scène) et Tao Ravao (instrumentiste) pour une conférence sur « Géographie des villes maudites : une autre humanité ?". Lecture et rencontre autour de Za, Paris, Philippe Rey, 2008.
Entrée libre dans la limite des places disponibles
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Comment penser le monde quand on est dans un état d’extrême dénuement, dans un état d’extrême misère, au bord de crever de faim ? Raharimanana a créé un personnage invraisemblable, Za, figure de l’exclusion totale et insupportable, et figure de révolte qui braille après le monde entier. Un personnage totalement perdu qui vit au bord d’un monceau de détritus et survit dans la boue - un endroit tel que l’on peut en fréquenter à Tananarive. Sa vision du monde, qui parvient à exploser toutes les logiques idéologiques d’une société, est d’une pertinence inouïe. Il s’agit aujourd’hui de prêter une grande attention à l’universalité de cette figure, et à « la vie de Za ».
Avec l’évolution actuelle du monde urbain contre le monde rural, avec les grandes mégalopoles qui sont en train de se construire dans des zones improbables, on peut observer comment naissent des zones de misère extrême juste à côté de zones de richesse. Des villes maudites. Et comment se fabriquent des sociétés que finalement on n’arrive pas à comprendre, mais qui s’avèrent dangereuses, qu’il faut maîtriser, subordonner, puis casser. Za est un personnage tout à fait contemporain, qui vient du monde de la terre et entre dans le monde urbain, qui essaye de survivre. C’est bien dans les moments de très grande difficulté, en allant à la rencontre de la dignité humaine, que l’on perçoit où est le cœur de l’homme.
Actuellement des chercheurs exceptionnels comme Mike Davis travaillent sur ces sujets (Planet of Slums, édité en France sous le titre Le pire des mondes possibles). Zygmunt Bauman vient de sortir un essai sur le déchet, et sur … le déchet humain. Il est question de notre triste modernité, une « modernité » recouverte par ses monceaux de déchets. (Th. Bedard)
Jean-Luc Raharimanana, écrivain né en 1967 à Antananarivo (Madagascar), auteur de pièces de théâtre, de contes musicaux et de récits qui font écho à la mémoire d’un peuple comme à sa littérature orale. Hanté par la géographie magique/maléfique d’un pays traversé par la violence et la pauvreté, marqué à vif par l’histoire et la mythologie malgaches, il s’est exilé en France avant de retourner en 2002 dans un enfer désormais total où son père est arrêté et torturé par le nouveau pouvoir. Son œuvre est portée par une écriture incantatoire et onirique nourrie d’apologues.
Actuellement artiste associé à Athénor, Scène Nomade de Nantes, dans le cadre des Chantiers/Histoires du Monde, il prépare en 2013 un ensemble d’événements intitulés Voix d’insurgés, travaux de collecte auprès des derniers témoins de l’insurrection malgache contre la colonisation française, travaux d’écriture puis spectacles en langue malgache, en langue française. Il dirige la collection Fragments aux éditions Vents d’ailleurs et des ouvrages engagés.
Thierry Bédard, metteur en scène. Au sein de la compagnie Notoire, depuis 1989, s’intéresse aux formes multiples de la violence et aux écritures qui rendent comptent des désordres du monde. Avec ses équipes liées au théâtre et la musique, et de multiples références à la philosophie, à l’anthropologie et à la sociologie contemporaine (Michel Agier, Zigmunt Bauman, Mike Davis…), il travaille depuis 2011 au cycle thématique, La menace, qui a pris la suite du cycle précédent, de l’étranger(s). A créé ces dernières années quatre œuvres poétiques et théâtrales de Raharimanana. L’ensemble du cycle s’attache à penser, à comprendre, à partager, ce qui chez l’homme est lié au contrôle et à la peur, à l’exclusion, avec des référents constants à des textes scientifiques, et littéraires. Où il s’agit "de prolonger son engagement lucide dans la description et la construction d’un monde commun" (Michel Agier).
Instrumentiste malgache, auteur-compositeur et interprète, Tao Ravao est un complice de longue date de Raharimanana, proche du Blues. Ses instruments sont aussi bien traditionnels que modernes : Valiha (harpe malgache), Kabosy (Luth malgache), Litungu (harpe du Kenya), Krar (harpe d’Ethiopie), guitare électrique et basse.Il a également créé Ny Malagasy Orkestra, réunion des maîtres traditionnels de la musique malgache.